Un autre défi
émerge, qui sera beaucoup plus difficile à gérer. Je veux parler de deux
courants qui existent depuis longtemps il est vrai, mais qui aujourd’hui
vont s’opposer de plus en plus. Il s’agit du libéralisme et du
fondamentalisme.
Déjà le choix des mots pose
problème. «Libéral » semble beaucoup plus flatteur que « fondamentaliste »
(surtout depuis que l’islam a fait apparaître les siens avec toute l’image
de violence que cela suggère).
A première vue nous pourrions penser
qu’il s’agit d’un conflit d’appréciation, un peu celui des anciens contre
les modernes. Mais, au-delà des mots, ce sont des concepts totalement
opposés qui s’affrontent. Le mot n’est pas trop fort lorsque nous lisons ce
jugement, sous la plume d’ Eric Denimal):
« Le
fondamentalisme d’aujourd’hui conduit à l’obscurantisme. C’est un danger
énorme, parce qu’il nie la raison et déclare suspecte l’intelligence
humaine. »
Pourtant, les mêmes Ecritures que
nous partageons, nous avertissent de la folie que représente la sagesse
humaine. Et encore, les belles promesses d’un « âge d’or » annoncé avec
triomphalisme, s’avèrent en fait un lamentable échec moral. La cruelle
réalité des suicides, en croissance si forte même chez les jeunes, n’est
qu’une des facettes de cet échec.
Denimal parle-il ici du
fondamentalisme des extrémistes islamiques ? Non point, il met dans un même
sac tous les fondamentalistes, de toutes les religions, évangéliques inclus.
Je pense qu’il faut préciser ces
concepts afin que nous parlions bien de la même chose et que nous ne nous
arrêtions pas aux mots.
Est fondamentaliste
celui accepte la Parole de Dieu, la considérant comme toute entière inspirée
(même si certains aspects représentent des énigmes), qui reconnaît qu’il n’y
a pas de salut en dehors de la foi en Jésus-Christ et qui reconnaît que la
Bible doit non seulement donner un sens mais conduire sa vie, en fonction de
ce qu’elle lui révèle.
Est libéral
celui qui pense que la révélation
peut-être différente, que la Parole de Dieu n’est qu’une sorte de guide
supérieur à tout autre, mais parmi d’autres, et qu’il est nécessaire de se
rapprocher des autres expressions spirituelles pour atteindre une sorte de
perfection. Ceci étant sans doute une forme « extrême » du libéralisme. Une
forme plus nuancée avouera cependant que la Parole doit être édulcorée,
repensée et critiquée. Je cite encore Eric Denimal :
« C’est le
rôle du théologien d’ouvrir des pistes pour que l’intelligence scrute
l’expérience religieuse et la forge en convictions, lesquelles deviennent
raisons de vivre et d’agir. »
Voilà clairement expliqué que le
théologien libéral est invité à chercher des arguments pour étayer ce que le
chrétien de ce siècle a envie d’entendre.
Il serait trop schématique de dire
que le protestantisme historique est par tradition « libéral », et que les
évangéliques pendant longtemps ont cultivé une théologie fondamentaliste.
Mais globalement c’est ainsi que nous pouvons percevoir les choses.
Il est intéressant de noter
l’incidence très nette de ces courants sur le terrain de l’évangélisation.
Les libéraux n’ont pas manifesté une très forte motivation pour évangéliser,
puisqu’ils reconnaissent implicitement que d’autres chemins peuvent
s'ouvrir, alors que les fondamentalistes ont souvent souhaité apporter au
monde perdu, et conformément à leurs convictions, la seule solution pour
obtenir le salut. Le prosélytisme a souvent été reproché aux
évangéliques, mais explique aussi la croissance de ces derniers.
La réforme a été un long travail
persévérant dans les combats incessants. Son origine prend racine dans un
catholicisme certes décadent, mais dans lequel les réformateurs souhaitaient
rester. Leur but étant de le réformer de l’intérieur.
Une fois jetée hors de l’église
romaine, la réforme a cherché à obtenir la protection du pouvoir. Elle la
trouvera surtout sous la République. Depuis un siècle elle génère même de
nombreux hommes politiques, avec succès. Protestantisme et pouvoir font bon
ménage. La laïcité est très largement soutenue par le protestantisme. Un
article récent, signé de Jean Baubérot dans « Christianisme aujourd’hui »
(février 2004) et intitulé « La laïcité n’est pas un danger pour les
Eglises » en est une démonstration.
A l’inverse, les évangéliques,
jusqu’à un passé récent, ont consommé la rupture. Ils ont fait de cet ordre
« Sortez du milieu d’elle mon peuple ! » leur règle de vie. Ils ne se sont
pas contentés de sortir, ils sont allés chercher ceux qu’ils voyaient perdus
pour les sortir à leur tour.
Ils n’ont pas eu comme principal
souci de rechercher la protection des hommes, mais celle de Dieu. Tout ce
qui était politique les intéressait finalement peu, particulièrement en
France. Je parle bien hélas du passé...
Nous pourrions résumer ces deux
courants par une définition pas si simpliste qu’il n’y parait : le premier
courant met l’accent sur les problèmes de société, tandis que le second le
met sur une vie spirituelle individuelle.
C’est probablement lors de la
Conférence Missionnaire de Jérusalem en 1928 que l’on trouve la déclaration
la plus brutale d’une certaine forme de libéralisme :
« La pensée libérale n’était plus du
tout aussi certaine que Jésus-Christ était la Parole ultime de Dieu à
l’homme. Ce libéralisme était allergique à la prétention exclusive du salut
par Christ seul, et était enclin à adopter une position nettement plus
positive envers les autres religions. »
Jacques Blandenier apporte
l’éclairage suivant :
« Les
dirigeants de certaines sociétés missionnaires de la « seconde vague » de
tendance évangélique stricte, conscients de ce glissement, ne participèrent
pas à la conférence de Jérusalem, alors même qu’une aile évangélique y était
représentée »
Que c’est-il donc passé ?
En résumé la Conférence
précédente, celle d’Edimbourg en 1910, rassemblait environ 2000
participants. La suivante, celle de Jérusalem dont nous parlons n’en
rassemblait plus que 200. Une grande partie du monde évangélique n’avait
pas voulu se compromettre avec les positions des libéraux.
Qu’en est-il aujourd’hui ?
Je voudrais présenter un point
de vue sur la situation en France.
Après s’être peu ou prou ignorés,
chacun travaillant de son côté, nous avons vu resurgir un nouveau désir de
rapprochement, de la part des évangéliques particulièrement. Il serait peut
-être trop catégorique de dire que c’est par intérêt, quoi que la
« couverture » que semble présenter le protestantisme soit certainement pour
beaucoup dans les demandes d’adhésions à la Fédération Protestante de
France. Des pasteurs sont encore troublés par les campagnes anti-sectes de
la fin du 20ème siècle. Nous avons entendu certains de nos amis menacer de
quitter telle ou telle fédération si ces dernières n’adhéraient pas à la FPF
(à l’inverse, d’autres menaçaient de partir s’il y avait adhésion...)
Plusieurs
questions devraient trouver une réponse urgente, me semble-t-il :
-
le désir
d’adhésion est-il motivé par un désir d’unité ou par intérêt ?
-
Qu’est-il
possible de partager, qu’est-ce qui ne l’est pas ? Jusqu’où
aller et ou ne pas aller ?
-
Si les
évangéliques souhaitent se fédérer avec les protestants, ceux-ci
le souhaitent-ils tout autant ?
Je crains que cette dernière
question soit la plus problématique.
Ce n’est pas pour rien que j’ai cité
la Conférence de Jérusalem de 1937, elle est une « clé » pour comprendre la
situation actuelle. Sans l’abandon des évangéliques, les positions extrêmes
des libéraux n’auraient certainement pas pu prendre une telle ampleur.
Ce qui revient à dire que l’absence
des évangéliques « fondamentalistes » est un atout pour les libéraux. Ce qui
peut se traduire en d’autres termes : les fondamentalistes représentent
une gêne dans l’expression libérale. De là à devenir indésirables il n’y a
qu’un pas.
Si nous reconnaissons cette thèse,
il ne faut pas s’étonner du peu d’enthousiasme des protestants à accueillir
de nouvelles fédérations évangéliques. Sauf, s’il y a entente sur une
théologie « libérale ».
D’ailleurs qu’on ne s’y trompe pas
l’adhésion passe par l’acceptation d’une charte où est affirmé que
«..Nous, membres de la fédération,
déclarons nôtres les convictions suivantes :
… la prédication de la Réforme, des
mouvements spirituels qu’elle a entraînés, la démarche œcuménique,
affermissent cette conviction. »
De quel œcuménisme parle-t-on ?
S’agit-il d’adhérer à un œcuménisme inter religion ? Si c’est le cas, il
s’agit purement et simplement du renoncement à une vision fondamentaliste
pour épouser un concept capable de mettre en balance la Parole avec des
valeurs morales dites « libérales ».
Eric Denimal et Christian Willi
présentent le risque d’une division du monde protestant, dans un
article intitulé « Le débat sur l’homosexualité remodèlera-t-il la carte des
Eglises ? »
« Certains n’ont pas hésité à parler
de risque calculé. En effet, le CPLR ne pouvait lancer ses questions (débat
sur l’homosexualité) à un pire moment, plusieurs églises évangéliques… ayant
engagé un dialogue avec la FPF en vue d’une adhésion. »
Mais, si ces débats ont été un frein
pour l’adhésion des certaines fédérations, il faut réaliser qu’ils sont
aussi un drame et un cas de conscience pour certains pasteurs réformés. Dans
le même article les auteurs citent le pasteur Hadjétlaché qui
«
… a invité ses collègues à démissionner comme il le ferait, au nom de la
Parole de Dieu, si son église emboîtait le pas aux anglicans américains »,
il a aussi confirmé
« que le tiers du corps pastoral de l’Eglise Réformée de France lui a
signifié être d’accord avec ses positions »
Nous avons d’ailleurs constaté
qu’aux Etats-Unis de nombreuses paroisses anglicanes s’apprêtent à prendre
leur indépendance, pour les mêmes raisons (il s’agit de la consécration de
pasteurs homosexuels !)
Les baptistes sont eux-mêmes
divisés, et une intention de scission est annoncée par les américains qui
trouvent trop libéraux les autres fédérations Baptistes. Nous ne sommes plus
là sur le simple thème de l’œcuménisme inter religieux, mais sur fond
évangélique.
Nous voilà très loin d’une simple
divergence sur un point de doctrine, comme ce fut souvent le cas dans le
passé. D’un côté, nous avons des fondamentalistes qui affirment « les
Ecritures nous apprennent que l’homosexualité est une abomination aux yeux
de l’Eternel », tandis que des libéraux en sont à discuter si un homosexuel
peut être consacré pasteur. Il est difficile de concevoir des positions plus
opposées !
Nous ne sommes même plus dans un
débat théologique, puisque la Parole ne fait plus référence. La recherche
est celle d’une « morale » laïque adaptée à notre époque. Les chrétiens sont
donc « invités » à quitter leur fondement biblique, immuable, pour discuter
de problèmes de société de notre temps ! Dieu a-t-Il encore une place dans
cela ?
Où seraient les points de
convergence ?
C’est là un dilemme, car ceux qui
étaient historiquement les plus proches se retrouvent aujourd’hui dans des
positions totalement opposées.
·
Les
protestants s’essaient dans un œcuménisme avec l’église romaine, mais
celle-ci marque bien les limites et revient à sa stratégie permanente « hors
de l’église (romaine bien entendu) pas de salut ! », et pas de partage de la
Cène avec les protestants.
·
Les
évangéliques, qui pour beaucoup ont la conviction que Rome est la grande
prostituée, se trouvent de plus en plus souvent d’accord avec les
catholiques sur les sujets d’éthique, contre les positions libérales de
certains protestants. Alors qu’eux-mêmes avouent qu’ils se sentent
profondément protestants et s’annoncent comme tels.
·
Beaucoup
d’évangéliques ont fait l’impasse sur leurs réserves œcuméniques pour
s’intégrer dans le protestantisme officiel, mais des défections s’annoncent.
·
Des
pasteurs, avec leurs églises se disent sur le point de se séparer de leurs
attaches, mais il se pose pour eux le choix d’un nouveau regroupement, de
nouvelles alliances.
En guise de conclusion
Il
est donc probable, si le Seigneur tardait à venir mettre fin à ces débats,
qu’un recentrage ou une nouvelle distribution des alliances devra
nécessairement se produire. Cela se fera très probablement autour de ces
deux pôles que sont le « libéralisme » et le « fondamentaliste ».
Ce qui se passe aujourd’hui ne vous
rappelle-t-il pas l’époque de Constantin ? L’Eglise persécutée avait
légitimement soif de paix, elle désirait une couverture (aujourd’hui on dit
parapluie), elle l’a eu. Elle a adhérée au régime politique de l’Empire
romain. Elle en a été généreusement récompensée, ses chefs ont reçu les plus
hauts titres de noblesses, princes (ou cardinaux). Elle a reçu en prime le
pouvoir, la richesse, la gloire. Mais, en contrepartie elle a du abandonner
la Parole de Dieu. Et, comme déjà relevé, elle aussi a quitté le
fondamentalisme biblique pour choisir une autre voie, le fondamentalisme sur
la tradition créée.
Ce qui se passe en France reste à
petite échelle, le libéralisme aujourd’hui se contente de la laïcité. Mais
ce qui se passe au Etats-Unis est encore bien plus flagrant. Eglise et
pouvoir tendent à se confondre, l’un pour s’affirmer, l’autre pour élargir
sa base électorale. « Remake » du quatrième siècle, seuls les acteurs ont
changé.
Mais, quel sera le prix à payer ? La
Parole nous l’apprend, mais voulons-nous encore la méditer ?
Le 21ème siècle
s’annonce chargé d’un difficile débat pour les chrétiens.
·
Le
catholicisme représente le plus fort bastion du fondamentalisme, mais
s’appuyant sur la tradition plus que sur la Parole, il ne fera pas avancer
la cause des évangéliques. D’ailleurs ce n’est pas son affaire. Même si
nombre de pasteurs protestants et évangéliques font des ronds de jambes
devant le pape.
·
Les
évangéliques fondamentalistes seront dénoncés comme des arriérés spirituels
nuisibles à la reconnaissance des mœurs, et de l’intelligence humaine. Nous
sommes en plein dedans !
·
Le parapluie
tant espérer ne sera pas donné gratuitement, bien évidemment, la facture
viendra, mais le « prix TTC » n’est pas connu. Nous en connaissons une
première partie seulement : le « droit » à l’avortement, la reconnaissance
de l’homosexualité comme une alternative honorable, la consécration de
pasteurs homosexuels. Et, les prochaines étapes concerneront-elles le droit
à l’euthanasie, le droit à créations de bébés médicaments... ?
Mais jusqu’où le Seigneur
laissera-t-Il aller les choses, jusqu’où… ou jusqu’à qui… ?
Enfin, quelle est la place des
évangéliques qui restent fondamentalistes dans le débat qui risque de se
transformer en combat ? C’est l’autre leçon récente de l’histoire, ne
l’oublions pas :
·
l’abandon du
terrain favorise l’émergence de positions extrêmes.
Nous pourrions comme plusieurs le
professent qu'elle certainement aux côtés de ceux qui, libéraux aujourd’hui,
se rendront compte de l’énormité des déviances actuelles, et à venir. Où,
quand et comment ? Cela, Dieu seul le sait aujourd’hui.
Faudra-t-il que certaines
structures soient pulvérisées pour que de nouveaux rassemblements se
forment ? Sera-ce volontairement ou contraints qu’ils se formeront ? En
tout cas les théologiens peuvent discuter autant qu’il leur plaira, une
chose est sûre les églises souffrent, et beaucoup se vident en Occident,
n’en sont-ils pas pour beaucoup la cause ?
Conclusions
Et, pendant ce temps les
évangéliques de ce début de 21ème siècle oublient les injonctions
bibliques qui sont précises et ouvrent la porte à LA SEULE SOLUTION,
car il n'y en a pas d'autres pour les vrais disciples de Christ :
Galates 1:8 Mais, quand nous-mêmes, quand un ange du ciel
annoncerait un autre Evangile que celui que nous vous avons prêché,
qu’il soit anathème !
Galates 1:9 Nous l’avons dit précédemment, et je le répète à cette
heure : si quelqu’un vous annonce un autre Evangile que celui que
vous avez reçu, qu’il soit anathème !
Apocalypse 18:4 Et j’entendis du ciel une autre voix qui disait :
Sortez du milieu d’elle, mon peuple, afin que vous ne participiez
point à ses péchés, et que vous n’ayez point de part à ses fléaux.
2Jean
1.8-11
8 Prenez garde à vous-mêmes, afin que vous ne perdiez pas le fruit
de votre travail, mais que vous receviez une pleine récompense.
9 Quiconque va plus loin et ne demeure pas dans la doctrine de
Christ n’a point Dieu ; celui qui demeure dans cette doctrine a le
Père et le Fils.
10 Si quelqu’un vient à vous et n’apporte pas cette doctrine, ne le
recevez pas dans votre maison, et ne lui dites pas : Salut !
11 car celui qui lui dit : Salut ! participe à ses mauvaises œuvres.
Ou bien encore, le Seigneur viendra-t-il -
Lui-même - apporter la solution… plus tôt que nous ne l'imaginons...
Pasteur Gérard Charton
février 2004