Evang�liques et catholiques :
un dialogue est-il possible ?
NEAL BLOUGH
DIRECTEUR DU CENTRE MENNONITE DE PARIS SAINT MAURICE,
94
ET PROFESSEUR � LA FACULT� LIBRE DE TH�OLOGIE EVANG�LIQUE DE
VAUX-SUR-SEINE.
Catholicisme et protestantisme(s) :
une rupture sanglante, des identit�s construites les uns contre les
autres.
Etant historien, je ne peux pas aborder notre question d�un point de
vue purement dogmatique ou th�ologique. Disons plut�t que je suis
profond�ment convaincu du fait que tout discours th�ologique s��labore
dans un contexte donn�. Cela ne signifie pas que le contexte a le
dernier mot ou qu�il d�termine le sens final de nos discours mais il
joue un r�le important. Il y a cinquante ou cent ans, on n�aurait pas
pos� de mani�re publique la question d�un dialogue �ventuel entre
catholiques et �vang�liques. Il est clair que les temps ont chang�. Mais
ce changement de contexte, nous permet-il la possibilit� d�un dialogue
jadis inimaginable ou bien nous tend-il un pi�ge qu�il vaudrait mieux
�viter ?
Je voudrais commencer en nous rappelant le s�rieux et la gravit� de la
rupture de la R�forme au 16e si�cle. Les d�saccords furent r�els et
profonds.
Prenons comme exemple le texte suivant de Martin Luther, devenu article
de foi pour les Eglises luth�riennes : un rejet cat�gorique de plusieurs
�l�ments fondamentaux de la foi catholique : �La messe (c�est-�-dire
l�eucharistie) doit �tre consid�r�e comme la pire et la plus horrible
abomination du papisme�Elle a �t� la plus belle des idol�tries papistes.
Et puis, en ce qui concerne le pape, Luther est encore plus pol�mique :
Il s�ensuit que tout ce que le pape a fait et tout ce qu�il a
entrepris en vertu d�une telle puissance usurp�e, frelat�e, sacril�ge et
blasph�matoire, n�a �t� et n�est encore qu��v�nements et affaires
diaboliques� en vue de ruiner�la sainte Eglise chr�tienne�. Car le r�gne
de la papaut�, c�est, � proprement parler, de mentir et d�assassiner, et
de causer la perdition �ternelle des corps et des �mes, comme je l�ai
prouv� dans beaucoup de livres.
En r�ponse, le catholicisme du 16e si�cle, par les d�crets du Concile de
Trente, s�est d�fini th�ologiquement contre les th�ses protestantes :
Les malheurs des temps ont �t� si grands et la malice des h�r�tiques si
inv�t�r�e que rien n�a jamais �t� si clair dans l�affirmation de notre
foi ou si nettement d�cr�t�, que pouss�s par l�ennemi du genre humain,
ceux-ci ne l�aient souill� de quelque erreur.
Si quelqu�un dit que, par le sacrifice de la messe, on commet un
blasph�me contre le tr�s saint sacrifice du Christ accompli sur la Croix
ou qu�il en constitue un amoindrissement : qu�il soit anath�me.
L�historien que je suis reste sensible au fait que ces discours
th�ologiques ont �t� �labor�s dans un contexte de conflit extr�me.
Luther avait d�j� �t� excommuni� lorsqu�il commenc� � parle du pape
comme de l�Antichrist. Les d�crets du Concile de Trente s��crivent apr�s
ou pendant les guerres entre catholiques et protestants en Suisse et en
Allemagne. Des arm�es ont �t� mobilis�es pour � d�fendre � la bonne
doctrine de part et d�autre. Des milliers de martyrs (luth�riens,
r�form�s, anabaptistes, anglicans, catholiques) ont donn� leur vie pour
affirmer l�orthodoxie de leurs confessions de foi. Des d�saccords dont
les fronti�res sont �crites par et dans le sang ne sont pas faciles �
surmonter.
Ne l�oublions donc pas : nos confessions de foi, nos identit�s
th�ologiques ont �t� �labor�es en grande partie contre l�autre, dans un
contexte de conflit, contre l�ennemi, contre celui qui est pr�t � nous
condamner � mort. Un protestant n�est pas catholique, son identit�
s��labore en bonne partie pour prouver qu�il a raison et que l�autre a
tort. Un catholique ne peut pas accepter le schisme, l�h�r�tique
protestant a par d�finition tort. Quand un discours devient identitaire
ou auto justifiant � ce point-l�, j�ai du mal � imaginer que le p�ch� ne
s�y glisse pas de temps en temps, dans tous les camps concern�s.
L�Eglise catholique peut-elle changer ?
L�Eglise catholique a-t-elle chang� ?
Nous le savons bien : l�Eglise catholique est une machine, un syst�me
qui ne change pas, qui se d�finit comme ayant toujours raison, qui ne
peut pas se tromper, dont le but ultime de tout dialogue est de nous
ramener tout droit au berceau.
M�me les textes les plus r�cents, datant du concile Vatican II,
l�affirment :
Pour �tablir son Eglise sainte de fa�on ferme partout jusqu�� la
consommation des si�cles, le Christ a confi� la charge d�enseigner, de
gouverner et de sanctifier au coll�ge des Douze. Parmi eux, il choisit
Pierre, sur lequel, apr�s sa profession de foi, il d�cida d��difier son
Eglise� �peu � peu, tous les chr�tiens�seront rassembl�s dans une seule
et m�me c�l�bration eucharistique, dans l�unit� de l�Eglise une et
unique, unit� dont le Christ a dot� son Eglise d�s le commencement.
L�eccl�siologie catholique conf�re un but pr�cis au dialogue. Le but
ultime du mouvement oecum�nique est le r�tablissement de la pleine unit�
visible de tous les baptis�s.
A partir de telles constatations, peut-on, de mani�re r�aliste,
pr�tendre que le dialogue avec les catholiques a un sens ? Evidemment,
je pense que oui. Dans la suite de mon expos�, je vais essayer
d�expliciter les raisons de ma propre position.
Premier constat : la doctrine catholique ne
change pas mais se d�veloppe.
�Ses changements s�inscrivent toujours dans une certaine continuit�.
Elle ne renie jamais les affirmations du pass�, les dogmes une fois
promulgu�s sont intangibles, on ne peut pas les retirer, car se serait
se renier, mais on reconna�t que, si le dogme est ind�fectible, il est�
perfectible �on peut mieux l�expliquer, mieux l�expliciter, lui donner
une meilleure formulation� On peut d�gager son intention profonde en
l�actualisant� (Alain Nisus, p. 5).
Dans mes cours d�Histoire de l�Eglise, nous examinons les grands
conciles : Nic�e, Chalc�doine, Latran IV (1215), Trente (milieu du 16e),
Vatican I, Vatican II. Pour ceux qui prennent le temps de le voir, ces
conciles d�montrent bien une dialectique entre continuit� et changement.
Depuis la R�volution fran�aise, l�Eglise catholique a pris des coups
durs. Pendant le 19e si�cle, elle a �t� plut�t r�actionnaire. Mais,
apr�s les deux guerres mondiales, le communisme et le nazisme, le
concile Vatican II repr�sente un changement important dans la
continuit�. Si l�Eglise catholique reste une � machine �, elle ne roule
pas dans les m�mes conditions. Elle a perdu une partie importante de ses
privil�ges dans beaucoup d�endroits du monde et a chang� d�attitude �
plusieurs �gards. Ces changements ne rendent pas forc�ment plus
acceptables le coeur du dogme catholique, mais ils permettent un
dialogue et une confrontation qui �taient autrefois impossible. Quels
sont ces changements ?
D�abord et tout simplement, le d�sir manifeste d�entrer en dialogue
avec d�autres chr�tiens, M�me s�il y a toujours eu des catholiques �
ouverts � et les positions avaient d�j� commenc� � �voluer auparavant,
le Concile du Vatican II repr�sente un changement r�el et fondamental �
cet �gard pr�cis. L�Eglise de Rome appelle ses �v�ques, ses pr�tres et
ses la�cs � s�engager sur le chemin de l�oecum�nisme. C�est un
enseignement s�rieux et r�el qui a �t� suivi d�effet. �ce saint Concile
exhorte tous les fid�les catholiques � reconna�tre les signes des temps
et � prendre part active � l�action oecum�nique. Le saint Concile
constate avec joie que la participation des fid�les catholiques �
l�action oecum�nique s�accro�t de jour en jour, et il recommande aux
�v�ques du monde entier de chercher � la promouvoir de fa�on avis�e et
de la diriger avec prudence. Dans sa lettre encyclique Ut unum sint,
Jean Paul II souligne cet engagement :
Au Concile Vatican II, l�Eglise catholique s�est engag�e de mani�re
irr�versible � prendre la voie de la recherche oecum�nique�. L�Eglise
catholique consid�re dans l�esp�rance l�engagement oecum�nique comme un
imp�ratif de la conscience chr�tienne �clair�e par la foi et guid�e par
la charit�. Pour Jean-Paul II, le dialogue oecum�nique rel�ve aussi de
la conversion et d�un engagement spirituel s�rieux. �l�engagement
oecum�nique doit �tre fond� sur la conversion des coeurs et sur la
pri�re, qui conduiront aussi � la n�cessaire purification de la m�moire
historique. Avec la gr�ce de l�Esprit Saint, les disciples du Seigneur,
anim�s par l�amour, par le courage de la v�rit�, ainsi que par la
volont� sinc�re de se pardonner mutuellement et de se r�concilier, sont
appel�s � reconsid�rer ensemble leur pass� douloureux et les blessures
qu�il continue malheureusement � provoquer aujourd�hui encore.
Deuxi�me changement, implicite dans le premier : le regard sur les
autres chr�tiens. D�h�r�tiques, les protestants deviennent des chr�tiens
d�ficients mais r�els, c�est�- dire des � fr�res s�par�s �, voire tout
simplement des fr�res. �justifi�s par la foi dans le bapt�me, ils sont
incorpor�s au Christ, ont � bon droit l�honneur de porter le nom de
chr�tien et sont reconnus avec raison comme fr�res dans le Christ par
les fils de l�Eglise catholique. �il est n�cessaire que les catholiques
reconnaissent avec joie et appr�cient les valeurs r�ellement chr�tiennes
qui proviennent de patrimoine commun et qui se trouvent chez nos fr�res
s�par�s�
Il ne faut pas non plus passer sous silence que tout ce qui est
accompli par la gr�ce du Saint Esprit dans nos fr�res s�par�s peut
contribuer aussi � notre �dification. Troisi�me changement, la
D�claration sur la libert� religieuse. L�Eglise catholique n�a plus les
m�mes pr�tentions politiques en tant qu�Etat qu�auparavant et,
aujourd�hui, la th�ologie catholique accepte la notion d�un Etat la�c de
mani�re positive. D�apr�s Ren� R�mond (historien catholique),
l�exp�rience du 20e si�cle avec le nazisme et le communisme a fait
basculer la th�ologie catholique en faveur de la d�mocratie et des
droits de l�homme. Ce Concile du Vatican d�clare que la personne humaine
a droit � la libert� religieuse. Cette libert� consiste en ce que tous
les hommes doivent �tre exempts de toute contrainte de la part soit
d�individus, soit de groupes sociaux et quelque pouvoir humain que ce
soit, de telle sorte qu�en mati�re religieuse nul ne soit forc� d�agir
contre sa conscience ni emp�ch� d�agir, dans de justes limites, selon sa
conscience, en priv�, comme en public, seul ou en association avec
d�autres. Aux communaut�s religieuses revient �galement le droit de ne
pas �tre emp�ch�es, par des mesures l�gislatives ou une action
administrative du pouvoir civil, de choisir leurs propres ministres, de
les former, de les nommer et de les d�placer, de communiquer avec les
autorit�s et les communaut�s religieuses qui vivent dans d�autres
parties du monde, de construire des �difices religieux, ainsi que
d�acqu�rir des biens appropri�s et d�en disposer. Comme Ren� R�mond
l��crit : � �la d�claration sur la libert� religieuse proc�de d�un
raisonnement enti�rement neuf : elle ne la justifie plus par�des
consid�rations de simple opportunit� �
Dialogues en cours, exp�riences
personnelles.
Vous savez certainement qu�il y a des dialogues
�vang�liques-catholiques en cours, et cela � plusieurs niveaux. Dans mon
article, je d�cris rapidement les dialogues dits � bilat�raux � qui ont
eu lieu sur le plan plut�t international : du c�t� catholique sous
l��gide du Conseil pontifical pour promouvoir l�unit� des chr�tiens, et,
de l�autre c�t�, des instances mondiales des baptistes, des
pentec�tistes, des mennonites ou de l�Alliance Evang�lique Universelle.
Plusieurs des rapports existent en fran�ais et je ne vais pas prendre le
temps de d�crire le contenu que vous pouvez d�couvrir vous m�mes si vous
le souhaitez. Je pr�f�re apporter mon propre t�moignage concernant
l�utilit� de ces dialogues. Pourquoi cela en vaut-il la peine ? Les
changements cit�s ci-dessus permettent ce qui n��tait pas possible
auparavant.
1) Que je n�accepte pas les positions de l�autre, ou que je les
trouve offensantes ou fausses n�est pas une raison pour refuser le
dialogue. L�ap�tre Pierre nous demande d��tre � toujours pr�ts �
justifier notre esp�rance devant ceux qui nous en demandent compte � (1P
3,15). L�ap�tre Paul nous exhorte : � S�il est possible, pour autant que
cela d�pend de vous, vivez en paix avec tous les hommes �. Le dialogue
peut �tre aussi une expression de l�amour de l�ennemi ou de l�ennemi du
pass�. L�Evangile pousse � la r�conciliation, au pardon, � la
confrontation honn�te de diff�rences r�elles. Je ne peux pas dire � a
priori � que l�Eglise catholique n�a pas chang� sans mettre en question
la souverainet� de Dieu. Si cette Eglise demande un �change et je pense
que ces motivations sont fausses ou mauvaises, il n�y a que des
conversations r�elles qui puissent prouver que j�ai raison ou tort.
2) Mon exp�rience et celle des autres ne permettent pas encore
d�affirmer que ceux qui participent � de tels dialogues sont des
tra�tres ou des mous sur le plan th�ologique. Les �tudes historiques et
sociologiques sur les �changes oecum�niques tendent � d�montrer que ces
dialogues finissent par arriver � mettre le doigt sur des diff�rences
r�elles et contribuent ainsi au renforcement des identit�s
confessionnelles. Que le climat de relation change, oui. Que les
diff�rences th�ologiques disparaissent, pas forc�ment. Mais que des gens
qui se r�clament du Christ aient de meilleures relations, me semble �tre
une bonne chose.
3) Les rencontres locales sont fondamentales, les dialogues � au nom
d�une union d�Eglises � ou d�une famille mondiale d�Eglises me semblent
sages pour �viter certains d�rapages �ventuels. Selon les r�gions, les
pays et les continents, la mentalit� et la th�ologie de Vatican II sont
plus ou moins pr�sentes. Les rencontres am�ricaine, fran�aise,
paraguayenne, italienne ou congolaise du catholicisme ne sont pas les
m�mes. Pendant nos cinq ans de dialogue, notre �quipe mennonite
comportait des membres venant de situations plut�t diff�rentes, avec des
perceptions diff�rentes de l�Eglise catholique. Cela a �t� utile. Nous
avons re�u pas mal de mises en garde, surtout de mennonites vivant en
Am�rique latine, de certains pays africains, de l�Italie ou de la
France. Le conseil pontifical lui-m�me nous a dit de ne pas aller
au-del� de ce que nos communaut�s pouvaient accepter. Ils nous ont
souvent dit de ne pas � trahir � notre propre identit�.
4) L�exp�rience du dialogue est � la fois tr�s fraternelle et tr�s
franche. Je n�ai jamais v�cu des confrontations th�ologiques aussi
r�elles et franches que lors du dialogue catholique-mennonite. Nous
avons �cout� ensemble des r�cits de martyrs anabaptistes aux mains des
catholiques. Nous avons parl� du bapt�me et de la C�ne, de l�Eglise, de
la rupture du 16e si�cle, de la violence, de l�imposition de la foi.
Nous nous sommes r�ellement f�ch�s, mais nous avons aussi pu demander
pardon. Ceux qui n�aiment pas le dialogue ne voient des personnes comme
moi que dans le r�le de d�fenseur du dialogue. Ils ne sont pas l� quand
je d�fends mordicus tel ou tel point de ma compr�hension de la foi
chr�tienne. Ils ne me voient pas f�ch� contre telle position catholique.
Je ne suis que le tra�tre qui parle avec l�ennemi. La r�daction du
rapport est un v�ritable exercice de th�ologie et de diplomatie. Chaque
ligne et chaque mot doivent �tre acceptables de part et d�autre et je
peux vous dire qu�on a du bagarrer pour inclure telle phrase, tel mot ou
telle position. Dans le processus d�acceptation du rapport du dialogue
mennonite- catholique (il y a quelques semaines), les objections au
rapport venant d�Eglises diff�rentes feront partie int�grante du contenu
du dialogue : les objections sont not�es et gard�es.
5) C�est en expliquant sa th�ologie aux autres qu�on est oblig�
d��tre honn�te soi-m�me. Nous, �vang�liques, sommes souvent les
sp�cialistes du vase clos, ce qui nous permet de dire des autres ce que
nous voulons dire sans �tre oblig� de v�rifier. C�est une position de
facilit� qui nous permet de garder une certaine image de nous m�me et de
l�autre. Aujourd�hui en France, quand les catholiques veulent savoir qui
sont les �vang�liques, ils invitent des �vang�liques � s�exprimer. Trop
souvent encore, dans nos milieux, c�est l�inverse. C�est nous qui disons
ce que pensent les catholiques. C�est une chose que de r�p�ter des
certitudes th�ologiques entre nous, c�en est une autre que de les
expliquer � ceux qui ne sont pas d�accord et qui ont des positions aussi
raisonn�es et parfois plus. Pour certains d�entre nous, la crainte du
dialogue vient d�une r�alisation inconsciente que nous ne sommes pas �
la hauteur. Nous ne saurons pas nous d�fendre. Le dialogue peut r�v�ler
qu�il y a des faiblesses de notre c�t�. Oui, c�est vrai. Exemples :
l�eccl�siologie, les r�cits de martyrs� nous ne connaissons ni
l�Histoire ni la th�ologie m�di�vale, en dehors de nos raccourcis
pol�miques. Puisque nos identit�s se sont construites depuis des si�cles
en affirmant que l�autre avait tort, nous craignons parfois de d�couvrir
que l�autre est un peu plus chr�tien que nous avons os� l�imaginer.
Pensons-nous vraiment que le Saint Esprit ait totalement quitt� l�Eglise
catholique en 1517 lorsque Luther a affich� les 95 th�ses ?
6) Les catholiques, m�me s�ils souhaiteraient que nous devenions
catholiques, sont tr�s conscients du fait que tel ne sera pas le
r�sultat du dialogue. Plusieurs amis catholiques m�ont affirm�
d�ailleurs que le dialogue oecum�nique est utile et n�cessaire pour
l�Eglise catholique elle-m�me. Je suis assez d�accord avec cela et je
pourrais citer plusieurs exemples. Dans les pays o� l�Eglise catholique
est plut�t pr�-Vatican II, dominante et s�re d�elle-m�me, les r�sultats
des dialogues peuvent �tre tr�s utiles pour apprendre aux catholiques
eux-m�mes la th�ologie du concile. Dans le dialogue
catholique-mennonite, l�un des r�sultats, c�est que les mennonites
vivant dans des situations de domination catholique auront l�occasion de
se d�placer au Vatican pour rendre compte des difficult�s et pour les
documenter.
J�ai pu repr�senter la conf�rence mennonite mondiale au 40e
anniversaire du d�cret sur l��cum�nisme en novembre 2004. L�, j��tais un
observateur parmi des centaines d��v�ques, de cardinaux et de
responsables de l�oecum�nisme. J��tais t�moin de plusieurs choses
fascinantes.
 | 1 Ceux qui ont l�exp�rience de l�oecum�nisme (orthodoxes,
protestants) ne se privent pas de dire que le minist�re de Pierre
(papaut�) est un v�ritable obstacle et qu�il n�y aura pas de progr�s
r�el avant des changements v�ritables du c�t� romain. Il faut
simplement continuer � dire des choses comme cela. |
 | 2 Les �v�ques de l�Am�rique latine, dans leur rapport, ont
plusieurs fois soulign� la n�cessit� th�ologique et l�importance de
prendre les �vang�liques beaucoup plus au s�rieux.
|
 | 3 J��tais dans un groupe de travail francophone europ�en (seul �
protestant �) et j�ai vu le p�re Sesbo�� � plusieurs reprises dire : �
vous ne pouvez pas parler comme cela, ce n�est pas acceptable pour nos
fr�res de la R�forme �. |
 | 4 L�ann�e derni�re, j��tais � un colloque � l�ICP sur Marie, o�
les protestants ne se sont pas priv�s de dire (m�me si c��tait tr�s
poliment dit) ce qu�il fallait dire � ce sujet Je ne sais pas si
l�Eglise catholique continuera � �voluer, mais c�est s�r que cela
n�arrivera pas si d�autres ne continuent pas � contester sa th�ologie.
|
7) Nous pouvons penser que les catholiques ou les protestants
lib�raux ne sont pas de v�ritables chr�tiens. Mais pour le monde, pour
les m�dias, pour �norm�ment de personnes, � chr�tien � = � catholique �
et nous ne pouvons pas faire abstraction de cette r�alit�. La mani�re
dont le nom du Christ est repr�sent� dans notre monde nous concerne et
si nous restons absents des grands d�bats, nous manquons � notre
responsabilit� devant Dieu et devant le monde.
8) Depuis 2000 ans, l�identit� chr�tienne, les lieux de fid�lit� et
d�infid�lit� sont en constante �volution. Depuis le 16e si�cle, le
christianisme occidental a v�cu d�innombrables schismes et
fractionnements.
Les lignes de partage changent tr�s souvent tout au long de
l�Histoire. Les fronti�res d�hier ne sont pas forc�ment les fronti�res
d�aujourd�hui ou de demain. Pour cela, il nous faut beaucoup de
discernement : il faut des gens qui foncent et des gens qui sont plus
r�ticents.
Gr�ce aux catholiques, nous sommes allergiques � toute notion d�unit�
visible ou institutionnelle. En r�action aux catholiques, nous sommes
devenus des individualistes farouches. Souvent notre r�alit� eccl�siale
se limite � notre Eglise locale ou, � la limite, nationale. Je crains
que parfois nous fr�lions le gnosticisme eccl�siologique Nous disons
notre adh�sion � la th�ologie des premiers conciles. Or, dans la
confession de Nic�e- Constantinople, il est question de l�Eglise une,
sainte, apostolique et catholique. Les R�formateurs, m�me anabaptistes,
n�ont jamais reni� cette formulation. Le souci de l�unit� de l�Eglise, y
compris avec des marques visibles, voire institutionnelles, fait partie
de l�h�ritage th�ologique de la R�forme. Notre manque d�int�r�t pour
cette question n�est pas toujours � notre honneur.
NEAL BLOUGH
DIRECTEUR DU CENTRE MENNONITE DE PARIS SAINT MAURICE, 94
ET PROFESSEUR � LA FACULT� LIBRE DE TH�OLOGIE EVANG�LIQUE DE
VAUX-SUR-SEINE.